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    archant dans la neige, les deux ombres avançaient désespérément. Elles avaient longtemps cherché un refuge. Elles étaient sur le point de le trouver. Le vent soufflait fort et les griffait. La neige tombait sur leurs cheveux. Leur peau était brulée par le froid. Le soleil de l’aube commençait à découper les silhouettes dans le sol givré. L’une d’elle était une femme aux longs cheveux blonds et bouclés, et l’autre, un homme aux cheveux roux et lisses. Dans ses bras, enveloppé dans un drap, dormait une enfant d’un an à peine. Sa peau reflétait la lumière de la Lune. Un flocon lui tomba sur le nez, ce qui la réveilla. Elle ouvrit les yeux. Elle fut éblouie par la Lune et le vent la fit frissonner. Son nez lui picota. Elle éternua. Un minuscule petit éternuement. Sa mère lui tapota le nez.

    « Chut Aglaé, lui murmura-t-elle. Rendors-toi. »

    Le petit être lui attrapa le doigt, le tourna dans tous les sens, regarda sa mère, et, d’un mouvement satisfait, l’enfouit dans sa bouche. Un filet de bave dégoulinait sur son menton.

    « Ma-ama. »

     

    Un grincement terrible se fit entendre lorsque le curé ouvrit la porte de l’église. Elle était en bois foncé, ornée de cuivre dont la peinture dorée commençait à s’enlever. Elle était assez large pour faire entrer cinq personnes côtes à côtes et assez grande pour qu’un homme de deux mètre trente rentre. Le curé les salua et les fit entrer dans l’église. Jusqu’à ce qu’il voit ce qu’ils étaient. Des monstres. Des créatures du Diable. Ils avaient essayé de le cacher. Mais il n’était pas dupe.  Ils voulaient salir la pureté de l’église en pénétrant à l’intérieur ! Montrer à Dieu que Satan lui était supérieur, puisqu’il pénétrait dans l’église ! Leurs ailes, leurs cornes, leur queue, tout prouvait qu’ils étaient des démons. L’enfant n’avait rien. Il n’était qu’un pauvre humain sans défense. Ils venaient de l’enlever. Qu’allaient-t-ils en faire ? Le curé ne savait pas, mais il voulait la sauver. Il se jeta sur les créatures pour leur arracher le bébé. La femelle le tenait fermement dans ses bras, le curé tirait dessus, s’en donnant à corps et âme pour sauver l’enfant. La femme hurlait férocement, l’autre démon frappait le curé, le curé tirait sur l’enfant pour l’enlever de leurs griffes et la fillette pleurait.

    « Ma-amaaa ! »

    Elle s’accrochait au doigt de la bête.

    « Tu la reverras un jour ta maman, je t’y emmènerais, je t’aiderais à la retrouver quand tu seras grande, mais ne vois-tu pas que ces créatures infâmes te veulent du mal ? lui dit le curé d’un ton implorant.

    - Ma-amaaa !

    - Lâchez-la ! hurla le démon en donnant un coup sur le dos du chrétien de son énorme queue. LÂCHEZ NOTRE ENFANT !!! »

    Le curé s’en alla rouler par-terre en poussant un cri de douleur. La femme avait le teint livide, elle semblait terriblement triste et fatiguée. L’homme était également à bout de souffle, mais il résistait. Il ne lâcherait pas sa proie si facilement. Mais la démone se leva, chuchota quelque chose à l’oreille de son compagnon, dont la mine se décomposa au fil de ses paroles. A la fin, il réfléchit une minute ou deux, puis regarda l’autre, les larmes aux yeux, puis l’enfant, puis le curé et à nouveau la blonde. Il hocha la tête. Elle posa l’enfant sur le sol, et, sans un regard au religieux, ils s’enfuirent dans la nuit.

    Le curé attrapa la petite fille, lui sourit, et regarda dans la nuit en espérant voir les silhouettes. Mais elles n’étaient plus là. Il regarda à nouveau l’enfant, et lui demanda :

    « Quel est ton nom ?

    - Aga-lé, lui répondit fébrilement l’enfant.

    - Agalé… Aglaé ? »

    Elle opina du chef.

    « Ma-ama. Pa-apa, dit-elle en pointant la nuit du doigt. »

    Elle dirigea son doigt devant le nez du curé.

    « To-oa. Mé-éssant.

    - Non. Moi je suis gentil. Je suis ta nouvelle famille Aglaé. »


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